Témoignages d’un Dominicain sur la situation des bateys de la sucrerie de Barahona après le passage de la tempête Noël
Eusebio Peña Medina réside dans l’un des bateys sucriers durement frappés par le récent passage de la Tempête Noël en République Dominicaine. Il est le Coordonnateur d’une plateforme régionale d’organisations de base du Sud, la Plataforma Vida engagée dans le Réseau Frontalier Jeannot Succès de Promotion et de Défense des Droits Humains. Ci-joint, l’intégralité du témoignage de Eusebio Pena Medina. Du dimanche 28 au mardi 30 octobre 2007, de fortes averses ont frappé le territoire national en général, et la zone sucrière, en particulier où nous vivons. Jamais. nous nous attendions à quelque chose d’aussi fort et fatal pour des centaines de residents-es, dans ces bateys qui sont déjà tellement vulnérables.Mais, nous nous trompions puisque du lundi 29 au mardi 30, nous nous sommes rendus à l’évidence qu’un ouragan ou tempête appelée Noël allait nous atteindre. C’est alors que nous commencions à recevoir des informations pour que nous quittions nos maisons vu que le barrage de Sabaneta de la Rivière Yaque del Sur était sur le point de déborder, de lâcher comme nous avions coutume à dire; et à l’aube, quand, à une heure du matin, l’eau commença à pénétrer nos maisons, je me souviens, avant que l’eau n’atteigne notre demeure, je me suis levé pour jeter un coup d’oeil sur mes enfants.La dernière fois que je suis sorti de mon lit, mes pieds ont plongé dans l’eau jusqu’aux genoux; et la panique envahit les mères et pères de famille qui avaient leurs enfants avec eux.Quelques-uns d’entre nous, comme c’est naturel, ont commencé à ramasser ce qui leur semblait le plus important et sauver aussi quelques objets comme : des lits, des meubles, des vêtements, des appareils électro-ménagers ; d’autres personnes voulaient aussi sauver leurs animaux, vaches, cabris et porcs.J’ai pu observer que les gens étaient décidés à sauver les choses qui leur étaient les plus chères ou les plus importantes; cela faisait peine à voir : des personnes en pleurs, impuissantes quand l’eau emportait leurs effets.Les communautés les plus affectées sont les bateys 1,2,3,4,5,6,7,8,9, Cuchilla, Isabella et en dehors des bateyes, les localités de Jobo et Uvilla. Nous pouvons dire que les eaux ont investi des endroits ou jamais auparavant elles n’avaient atteint. Il faut préciser que je parle uniquement de la zone sucrière rattachée à la province de Bahoruco. Ces pluies ont affecté tous les habitants de ces localités.Sans doute, la réponse des autorités ne se fit pas attendre et tout de suite. On a remarqué la présence du gouverneur de la province de Bahoruco, Mr Manuel Paula qui enfila ses bottes et pour combattre, dit-on. Moi, qui n’aime pas parler politique, je peux dire que jamais je ne me suis senti aussi fier d’un fonctionnaire comme je me suis senti face à Manuel Paula, notre gouverneur civil de Bahoruco ainsi que face á d’autres fonctionnaires du gouvernement et membres de l’opposition comme c’est le cas du maire de Barahona, qui, lui-même, dirigeait la troupe. Ainsi le firent les maires de Tamayo, Uvilla, Mena et Batey 6, de la zone sucrière.De même, des institutions comme Plataforma Vida et Vision Mondiale donnèrent une réponse pertinente et pour être juste pour quoi ne pas mentionner l’usine sucrière : le Consorcio Azucarero Central. Moi qui suis l’un des plus critiques par rapport à cette entreprise en raison de l’exploitation à laquelle elle soumet les ouvriers de la zone, je ne puis être injuste et ne pas reconnaître qu’il a collaboré pour soulager les effets du désastre qu’a laissé ce phénomène atmosphérique.Deux jours plus tard, de partout commencèrent à arriver d’autres secours. Et pour que cela atteigne les personnes les plus nécessiteuses, nous avions formé, au niveau des institutions un comité d’Aide et mis en place un Centre de stockage des aides attendues. Le comité est composé des représentants de l’Eglise Catholique, des Eglises Evangéliques, du maire du District Municipal de Palmar et de la Plateforme Vida avec tous ses comités issus des différentes communautés ; cette action a pu éviter que avec l’aide, on fasse de la politicaillerie, ni les blancs, ni les noirs mais beaucoup moins les colorés ne tirent le drap vers eux en ce moment, bien que nous devons rester vigilants pour que les choses se passent bien.Aujourd’hui, nous sommes en train de travailler pour que les maladies ne nous détruisent pas. Maintenant, il y a les moustiques; l’insalubrité avec l’eau contaminée; la boue qui s’est accumulée dans tous les bateyes.L’environnement est très contaminé par les animaux morts. De plus, on a remarqué quelques personnes dans les parages, on ne sait qui elles sont et d’où elles viennent. Aujourd’hui, nous sommes en train de vivre un véritable enfer que jamais nous ne pensions vivre. Nous avions passé d’autres ouragans et cyclones, mais jamais aussi traumatisant que cette vaguada (pluie diluvienne) comme beaucoup l’appellent, tandis que d’autres disent que c’est le Diable. Autre chose qu’on ne peut passer sous silence, c’est la grande perte dans les bananeraies, qui nous a laissé sans un seul bananier ni la possibilité d’obtenir un plant de cette espèce qui est une des sources d’alimentation et de production des gens de Tamayo, et des bateyes : ni banane, ni manioc, ni patate, ni figue, ni oignon….Nous sommes conscients que, dans un mois la faim que nous connaîtrons sera grande en raison de la rareté de ces produits qui font partie de la vie des gens du Sud et spécialement des bateyes.Parlons également des ponts de cette zone, vu que le Diable a emporté la majorité de ceux-ci, nous sommes par conséquent isolés de beaucoup de localités ou on ne peut acheminer l’eau, les aliments, les médicaments et que sais-je encore.Autre chose, c’est la destruction de nos habitations qui, en majeure partie, ont été détruites par les eaux et les vents de la tempête Noël. Cependant, nous restons optimistes. Nous savons bien les difficultés que nous devons confronter tels que : la faim, les maladies, l’insalubrité et d’autres problèmes. Mais, nous sommes Dominicains, nous savons aller de l’avant et nous savons cueillir avec joie les difficultés sans pour autant les banaliser et et je suis sur qu’ensemble, nous allons sortir de ce problème et acheminer ce pays vers la récupération et cela, non avec les politiciens, mais avec les Dominicains unis, c’est en cela que je crois, dans un peuple lui-même organisé, épaules contre épaules. Nous en sortirons et nous combattrons les difficultés. Eusebio Pena MedinaCoordonateurPlataforma Vida{(Traduit par le GARR)}
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