Des organismes de droits humains basés en République Dominicaine réclament la protection des droits des migrants-es haïtiens
Le Service Jésuite aux Réfugiés et Migrants et deux institutions affiliées basées à la frontière Nord du pays, lancent un cri d’alarme face aux violations incessantes dont sont victimes les ressortissants-es haïtiens sur le territoire dominicain, principalement les travailleurs migrants, mais également, des étudiants-es, des enfants, des commerçants-es et congos (personnes fraîchement arrivées). (Photo d’un éleveur haïtien assassiné le 15 décembre 2007 à Azua,en République Dominicaine– Photo GARR)
L’intégralité du texte vous est proposée.
La protection des migrants haïtiensEn République DominicaineSolidarite Fwontalyè (SFW) et Solidaridad Fronteriza (SF), institutions du Service Jésuite aux Réfugiés et Migrants (SJRM) continuent à dénoncer les multiples violations des Droits Humains que subissent les immigrants haïtiens en République Dominicaine et demandent que l’Etat haïtien prenne ses responsabilités et cesse d’abandonner ses citoyens.Comme auparavant, les migrants haïtiens en République Dominicaine ont été confrontés à des moments difficiles et ténébreux, cette année. Ces difficultés vont de la discrimination et du racisme, et jusqu’à la mort, en passant par l’extorsion et la violence physique, psychologique et sexuelle. En outre, ils sont victimes de déportations irrégulières qui ne respectent pas le minimum, en matière de dignité ou des droits de la personne. Solidarite Fwontalyè, Solidaridad Fronteriza et le Service Jésuite aux Réfugiés et Migrants effectuent constamment des tournées de vigilance au point de passage frontalier Dajabon-Ouanaminthe et sont témoins des nombreux abus dont pâtissent les citoyens haïtiens quand ils veulent retourner dans leur pays. En maintes occasions, même les migrants réguliers n’échappent pas aux mauvais traitements.Les étudiants haïtiens de Santiago et Santo Domingo éprouvent un sentiment d’insécurité quand ils doivent traverser la frontière. Ils sont encerclés et pressurés par des Dominicains en civil qui leur réclament de l’argent, bien qu’ils aient déjà réglé les taxes légales au service d’immigration et à la douane. Le pire, on fouille constamment et brutalement leurs bagages, jetant leurs effets personnels par terre et les soumettant à de durs interrogatoires dont le seul but est de les humilier. Quant aux Congos (groupes d’Haïtiens qui tentent d’entrer sans papier en République Dominicaine) leur situation est encore plus triste vu, qu’à la différence des étudiants, ils n’ont aucune formation intellectuelle. Ils laissent Haïti en quête de travail et d’un certain mieux-être et ce qu’ils trouvent, d’habitude, est si terrible et frustrant que cela ne vaut pas le déplacement. Au lieu de prospérer, ils ne font que se mettre en danger avec les buscones (passeurs) et charlatans qui les enfoncent encore plus dans la misère. Ces buscons haïtiens sont de mèche avec des réseaux maffieux dominicains y inclus des militaires, et finissent toujours par abandonner les voyageurs ou par les livrer aux mains de militaires dominicains qui les pillent puis les déportent. Dans certains cas, le voyage conduit à la mort. A Solidarite Fwontalyè et Solidaridad Fronteriza, nous avons encore en mémoire les 25 voyageurs haïtiens qui ont péri asphyxiés dans un container qui les conduisait vers une ville dominicaine. Et nous craignons que ce terrible accident ne se répète, car aucune mesure n’a été prise pour l’empêcher et chaque fois, ils sont plus nombreux les Haïtiens qui fuient vers la République Dominicaine dans des circonstances pénibles et très dangereuses.Les travailleurs haïtiens en République Dominicaine connaissent des situations d’exploitation telles que souvent cela engendre chez eux, des idées d’auto-destruction et ces travailleurs pensent que les traitements qui leur sont infligés par les autorités dominicaines sont chose normale. On les reconnaît par leur courage et leur résistance aux travaux pénibles que la majorité des Dominicains ne veulent pas accomplir. Les entreprises les recrutent comme main d’œuvre à bon marché, mais leurs salaires sont beaucoup moindres que ceux versés aux Dominicains pour le même travail, ou même pour moins de travail. Le pire, c’est la complicité existant entre quelques patrons et certains militaires et agents d’immigration pour les déporter juste la veille du jour où ces travailleurs doivent recevoir leur paye. Les rapatriements continuent à s’effectuer de manière sauvage. On traite les rapatriés-es comme des animaux et on les agresse physiquement, psychologiquement et sexuellement. Même si dans les derniers trois mois, nous avons observé une réduction sensible des mauvais traitements, les forces de l’ordre persistent à garder en prison les sans papier haïtiens jusqu’à ce qu’ils constituent un groupe suffisant pour remplir l’autobus à bord duquel ils doivent être rapatriés . Selon des témoignages récents recueillis par Solidarite Fwontalyè et Solidaridad Fronteriza ( auprès de rapatriés qui sollicitent l’aide alimentaire, des soins médicaux, ou le transport) les migrants peuvent passer jusqu’à sept jours, en prison, sans recevoir aucun aliment. A Ouanaminthe, ils arrivent le visage déformé par la faim, avec des blessures et des marques de coups et nous ne pouvons que les envoyer chez le médecin pour être auscultés et recevoir des soins d’urgence. Leur sort reste toujours lamentable.La traite et le trafic de personnes sont un autre phénomène très développé à la frontière Nord. C’est encore plus criminel parce que les principales victimes sont des mineures ; elles sont incapables d’assumer les conséquences de leurs actes, et par conséquent, ont une volonté très fragile. On les sépare de leurs familles haïtiennes pour les employer en République Dominicaine, que ce soit pour les travaux domestiques, la prostitution ou d’autres activités et leurs exploiteurs s’enrichissent en leur volant cruellement leur enfance. On soupçonne que la traite et le trafic de personnes se développent en relation avec le commerce illégal d’organes. L’Etat haïtien, pour le moment, n’a manifesté aucun intérêt pour résoudre cette question. Le gouvernement dominicain a adopté récemment une série de mesures pour protéger et contrôler ses frontières, le long desquelles se déploie le Corps Militaire CESFRONT, à Dajabon. Le CESFRONT a été accusé de corruption et d’entrave aux relations commerciales et humaines entre les citoyens de Ouanaminthe et Dajabon. A la fin du mois d’octobre, les Haïtiens ont manifesté à la frontière contre les autorités dominicaines, considérant que- lors d’un incident diplomatique- qu’elles étaient en train de mépriser l’Etat haïtien et ses ressortissants en général.
Peu de jours auparavant, le Gouverneur de Dajabon avait affirmé qu’en Haïti l autorité est inexistante et que le marché de Dajabon représente une forme d’aide humanitaire alors que les Haïtiens doivent effectuer de bons débours à l’Immigration , à la Douane et aux réseaux maffieux dominicains. Début novembre 2007, la société civile de Dajabon, appuyée par des associations de la société civile de Ouanaminthe, s’est dressée face aux autorités dominicaines, du gouverneur et du CESFRONT en raison de leur attitude à l’endroit des Haïtiens.En réalité, les déclarations du gouverneur de Dajabon reflètent celles de la plupart des Dominicains. Si les autorités dominicaines pensent cela de l’Etat haïtien, quel changement profond pouvons-nous espérer dans la politique migratoire vis-à-vis d’Haïti ? Et qu’a fait l’Etat haïtien pour obtenir des garanties que les droits des migrants haïtiens soient respectés ? Quel est le rôle de l’Office National haïtien de la Migration qui possède un bureau à Ouanaminthe, depuis 1999 ? Jusqu’à présent, nous n’avions pas constaté que le gouvernement haïtien se mouille pour ses citoyens. Alors, qui défendra les droits des migrants haïtiens en République Dominicaine ?Nous nous demandons si la question de la migration signifie quelque chose pour le gouvernement haïtien, qui n’a même pas signé la Convention des Nations-Unies pour la Protection des Droits de Tous les Travailleurs Migrants et des Membres de leurs familles, approuvée le 4 décembre 2000. Par cette non-ratification, le gouvernement abandonne ses attributions et fait des travailleurs haïtiens une proie facile aux mains des autorités dominicaines qui veulent violer leurs droits comme bon leur semble.Comme institutions travaillant pour le respect des Droits Humains à la frontière Nord, entre Haïti et la République Dominicaine, Solidarite Fwontalye, Solidaridad Fronteriza, et le Service Jésuite aux Réfugiés et Migrants, demandons à l’Etat haïtien d’assumer ses responsabilités comme suit : – Faciliter à tous les Haïtiens des documents d’identité – Créer les conditions socio-économiques pour que les Haïtiens ne se voient pas obligés de fuir leur pays à la recherche d’une vie meilleure illusoire en pays voisin.- Lutter contre la traite et le trafic de personnes avec une législation ferme pour dissuader les trafiquants et par la ratification des conventions internationales liées à la traite et aux réseaux internationaux du crime organisé.- Accueillir et orienter les Haïtiens que la République Dominicaine rapatrie en Haïti- Appliquer le point y relatif dans le Protocole d’Accord signé entre la République Dominicaine et Haïti en 1999.- Exiger une inverstigation sur tous les assassinats d’Haïtiens en République Dominicaine pour éclaircir les circonstances dans lesquelles ils ont été perpétrés et châtier les coupables.
{Solidarite Fwontalyè & Solidaridad FronterizaServicio Jesuita a Refugiados y Migrantes18 décembre 2007Jour International des Migrants}(Traduit par le GARR, 20/12/07)Pour authentificationLisane AndréSection de Communication & PlaidoyerGARR
No Comments