Témoignages recueillis par Amnistie Internationale des déplacées victimes de violence sexuelle en Haïti
Dans un rapport publié à l’issue d’une mission effectuée en mars 2010, en Haïti, dans plusieurs camps de déplacés, Amnistie internationale reproduit les témoignages de victimes de violence sexuelle et formule des recommandations à l’endroit des autorités haïtiennes et de la communauté internationale en ce qui a trait « à la prévention de la violence sexuelle contre les femmes et les fillettes, ainsi qu’à la lutte contre cette violence ». Dans ce rapport titré « Haïti après le séisme/Premières conclusions de la mission de Mars 2010 », l’organisme dit avoir eu connaissance de plusieurs cas de violence sexuelle dans les camps, dont des enfants (tous les prénoms ont été modifiés). Céline, une fillette de huit ans, a été violée une nuit alors qu’elle se trouvait seule dans sa tente, lit-on dans le rapport. Sa mère était partie travailler en dehors du camp et n’avait personne pour la garder en son absence. Fabienne, 15 ans, a été violée alors qu’elle sortait du camp pour aller satisfaire un besoin naturel, car il n’y avait pas de latrines dans le camp. Carline, 21 ans, a été violée par trois hommes lorsqu’elle est allée uriner dans un coin reculé du camp, les latrines étant trop sales pour être utilisées. Pascaline, 21 ans, a été violée et frappée sous sa tente ; ses voisins ne sont pas intervenus car ils ont cru qu’elle était avec son partenaire. Le poste de police de la commune de Gressier étant détruit, la mère de Fabienne a signalé le viol dont sa fille avait été victime à un membre de l’autorité administrative locale, le Conseil d’administration de la section communale (CASEC), qui ne lui a fourni aucune information ni aucun conseil, et ne l’a pas orientée vers un centre de soins. Pascaline a reçu des soins médicaux et a réussi à porter plainte à la police. Cependant, l’auteur des faits est toujours en liberté. Pascaline l’a vu plusieurs fois dans le camp et a peur qu’il ne la tue s’il découvre qu’elle a porté plainte. Par ailleurs, les filles sont aussi menacées d’exploitation sexuelle dans les camps, souligne le rapport. Dans plusieurs camps, des femmes ont raconté à Amnesty International qu’il était courant que des jeunes filles échangent des rapports sexuels contre de la nourriture ou des biens matériels. Des cas de prostitution enfantine ont également été signalés. Tout en déplorant la carence des mécanismes de protection en faveur des femmes et des fillettes victimes de violence sexuelle, déjà insuffisants avant le séisme, Amnistie Internationale adresse une série de recommandations aux autorités haïtiennes et aux forces onusiennes présentes en Haïti. {{{RECOMMANDATIONS AUX AUTORITÉS HAÃTIENNES}}} – Il faut renforcer de toute urgence la présence policière dans les camps, en particulier la nuit, afin d’améliorer la sécurité globale et de prévenir la violence sexuelle contre les femmes et les fillettes. – ï€ Des policières doivent être intégrées aux unités affectées dans les camps afin qu’il soit plus facile pour les femmes de signaler les cas de violence sexuelle. – ï€ Les habitants des camps doivent être informés de l’emplacement des postes de police provisoires qui disposent d’unités composées de policiers formés à la violence liée au genre. – ï€ Les policiers et les autres autorités et professionnels recueillant les plaintes pour violence sexuelle doivent veiller à ce que tous les cas soient enregistrés et signalés conformément au système et aux modalités définis dans le Plan national de lutte contre la violence à l’égard des femmes. – Le système de centralisation et d’analyse des données sur la violence contre les femmes proposé par le Plan national de lutte contre la violence à l’égard des femmes doit être mis en service le plus rapidement possible. – Des unités de police spécialisées dans la violence liée au genre doivent être remises en place dans les postes de police, et leur nombre doit être augmenté afin d’assurer une couverture jour et nuit. – ï€ Des mesures destinées à limiter les risques de violence sexuelle pour les femmes et les enfants dans les camps (par exemple l’installation d’équipements sanitaires satisfaisants) doivent être prises dans tous les camps, avec l’aide des organisations humanitaires internationales. – ï€ Des soins médicaux appropriés et complets doivent être proposés aux victimes de viol et d’autres formes de violence sexuelle. – ï€ Les informations sur les étapes à suivre pour les victimes de violence sexuelle, ainsi que sur le lieu où trouver les différents services et la manière d’en bénéficier (soins médicaux, prise en charge et aide psychologiques, protection, assistance juridique, etc.), doivent être facilement accessibles et diffusées largement dans les camps et parmi les personnes déplacées. – Il faut créer de toute urgence un centre d’accueil temporaire où les femmes et les fillettes victimes de violence sexuelle seront protégées et pourront bénéficier de tous les services nécessaires, notamment de soins médicaux, d’une aide psychologique et d’une assistance juridique. – Les Principes directeurs des Nations Unies relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays et les Directives du Comité permanent interorganisations (IASC) en vue d’interventions contre la violence basée sur le sexe dans les situations de crise humanitaire doivent être appliqués. {{{RECOMMANDATIONS À LA MISSION DES NATIONS UNIES POUR LA STABILISATION EN HAÃTI (MINUSTAH) }}} – ï€ La MINUSTAH doit aider la Police nationale d’Haïti à renforcer la sécurité dans les camps en lui apportant un soutien logistique et en participant directement aux patrouilles.- Elle doit surveiller attentivement la manière dont les postes de police et les tribunaux de paix traitent les plaintes pour violence sexuelle et les aider à garantir que les autorités compétentes donnent suite à toutes ces plaintes. Signalons que l’Organisation des Nations-Unies vient d’annoncer l’activation d’un réseau de points focaux en Haïti dans le cadre de son Programme de Prévention contre les abus sexuels (Alterpresse, 10/5/10). Enfin, il convient de rappeler que dans le Plan d’Action pour le Relèvement et le Développement d’Haïti soumis le 31 mars 2010 à la Conférence des Donateurs, le gouvernement Préval-Bellerive assure que dans la perspective de la refondation sociale du pays, « la priorité absolue du Plan d’Action est de répondre aux besoins des populations sinistrées, [dont] celle vivant dans des camps de fortune… »
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