L’affaire Laura Silsby: Voyage irrégulier ou traite d’enfants ?
Le Groupe d’Appui aux Rapatriés et aux Réfugiés (GARR) a appris avec stupéfaction la libération, le 17 mai 2010, de Madame Laura Silsby, une missionnaire américaine reconnue coupable dans l’organisation de voyage sans documents et sans présence de leurs parents, d’un groupe de 33 enfants haïtiens, après le tremblement de terre du 12 janvier 2010.Selon les informations, la justice a qualifié cette infraction de « voyage irrégulier » et fixé la peine à trois(3) mois sur la base du décret de novembre 1980. Auparavant, neuf (9) autres personnes qui accompagnaient Madame Silsby, avaient été libérées. S’agit-il d’un simple voyage irrégulier ou de traite d’enfants, tel que spécifié dans le « Protocole Additionnel à la Convention des Nations Unies contre la Criminalité Transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants » ? En effet, selon l’article 3 dudit Protocole, « l’expression Traite des Personnes désigne le recrutement, le transport, …….le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes par la menace de recours, ou le recours à la force ou à d’autres formes de contraintes, …….telle qu’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiement ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre, aux fins d’exploitation ». Dans l’affaire Silsby, si aucune preuve n’établit que les parents des enfants avaient été monnayés et que l’intention de la missionnaire était de les exploiter, il est clair qu’elle a utilisé la situation de vulnérabilité dans laquelle se trouvaient ces familles au lendemain du séisme pour se déplacer avec leurs enfants sans respect d’aucune procédure légale. En l’absence d’une législation en matière de traite, la justice haïtienne semble avoir opté pour un palliatif, en recourant au décret de novembre 1980 sur les voyages irréguliers qui prévoit des peines de trois à six mois. Pourtant un avant-projet de loi préparé par un Groupe Interministériel considère la traite comme un crime et prévoit en son chapitre 4, article 11, des peines allant de 7 à 15 ans d’emprisonnement. Malheureusement, ce texte, quoique figurant sur le menu législatif, n’a jamais été voté par le Parlement malgré les demandes réitérées des organisations de Droits Humains, dont le GARR, et les nombreux engagements pris par l’Etat haïtien au niveau national et international. La décision de la Justice haïtienne dans l’affaire Silsby constitue un net recul dans la lutte contre la traite et le trafic de personnes. Elle projette une image négative du pays et un manque de volonté de la part de l’Etat de protéger ses ressortissants. C’est aussi un signal envoyé aux trafiquants et auteurs de traite pour continuer leurs forfaits sans aucune inquiétude. A rappeler qu’en mars 2009, Haïti a renouvelé ses engagements en ratifiant la Convention internationale contre la criminalité transnationale organisée et ses deux protocoles additionnels. Au cours des cinq dernières années, plusieurs fonctionnaires dont des Parlementaires et des membres du gouvernement, ont pris part à des conférences régionales, tenues notamment par l’OEA autour du même sujet. A noter que Haïti est l’objet de rapports d’évaluation périodique, en particulier de la part du Département d’Etat américain, sur les actions concrètes menées contre le trafic et la traite de personnes, notamment des enfants. Le GARR renouvelle sa demande pour que l’Etat haïtien respecte ses engagements de lutter contre la traite d’enfants et continuera son plaidoyer pour que le pays soit finalement doté d’une législation en matière de traite et de trafic de personnes. –Colette Lespinasse–Coordonnatrice du GARR
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