
Le Réseau Frontalier Jeannot Succès tire la sonnette d’alarme face à l’épidémie de choléra qui fait rage à la frontière
Le mois d’octobre 2011 marque le premier anniversaire de l’apparition du choléra en Haïti. Après l’enregistrement des premiers cas à Mirebalais près du fleuve Artibonite, l’épidémie a gagné l’ensemble du territoire. La zone frontalière, faiblement dotée en infrastructures routières, et autres moyens de communication, et de services de base comme l’accès à l’eau potable, etc… est l’une des zones durement touchées par cette épidémie. Dans l’idée de lancer un SOS aux autorités haïtiennes et leur demander de prendre toutes les mesures nécessaires pour combattre cette maladie qui tue la population à petit feu et qui a déjà emporté plusieurs centaines d’Haïtiens/Haïtiennes dans la région frontalière, des comités de Droits humains issus du Réseau Frontalier Jeannot Succès (RFJS) ont décidé de réaliser cette conférence de presse, ce 19 octobre 2011.
Voici quelques chiffres et informations sur les dégâts causés par le choléra dans plusieurs régions frontalières :
Bilan des ravages causés par le choléra
a) à la frontière de Boc Banic, Section communale de Thomassique
De janvier à septembre 2011, selon des chiffres recueillis par les Comités de Droits humains, 333 personnes (201 femmes et 132 hommes) sont mortes du choléra seulement à Boc Banic, une section communale de Thomassique dans le Plateau Central. 1784 autres personnes sont infectées. Boc Banic qui a environ une population de 28 mille habitants, ne dispose pas de Centre de Traitement du choléra(CTC) pas d’eau potable ; la population de la zone utilise l’eau de la rivière. Quand une personne est atteinte du choléra, elle doit être transportée jusque dans la commune de Cerca-La-Source pour recevoir les soins nécessaires dans un CTC distant de 18 kms environ de Boc Banic. Des chauffeurs de moto réclament jusqu’à 1500 gourdes pour transporter des malades du choléra justifiant ce tarif en raison du mauvais état de la route. Cette situation a déjà entraîné la mort de plusieurs personnes atteintes de la maladie.
b) à la frontière de Baptiste, une section communale de Belladère
Pour la Section de Baptiste située dans la Commune de Belladère, 121 personnes sont mortes du choléra, dont 75 femmes, 46 hommes et 2 bébés. 1846 autres sont infectées par la maladie. Cette Section communale comptant une population de 30 mille habitants, ne dispose pas d’un Centre de Traitement du Choléra. C’est au centre communal, c’est-à-dire, dans la ville de Belladère que les victimes doivent se rendre pour se faire soigner. Il existe, certes, un centre de santé dans la Section communale de Baptiste mais c’est un centre de santé privé et seuls ceux qui en ont les moyens peuvent y avoir accès
c) Les Sections placées dans la Commune frontalière de Lascahobas
La situation n’est pas différente dans la Commune de Lascahobas dont la population atteint 65 mille habitants. Du mois de mai au mois de septembre 2011, environ 27 personnes sont mortes de la maladie et 2220 autres infectées. Aucun Centre de Traitement de Choléra ne dessert la population dans les sections. Les malades reçoivent une première assistance sanitaire à l’hôpital dénommé Zanmi Lasante établi à la Colline. Cet hôpital dispose d’une camionnette destinée au transport des malades. C’est surtout dans la ville de Mirebalais que fonctionne un CTC pour les malades atteints du choléra. Les sections communales les plus affectées par l’épidémie sont Petit-Fond et Juanpas où la population n’a pas d’accès à l’eau potable.
d) Dans la commune frontalière de Fonds-Verrettes
Pour la Commune de Fonds-Verrettes, selon les informations recueillies par le Comité local de Droits Humains, l’épidémie du choléra a déjà emporté 56 personnes seulement pour le mois de septembre et plus de 530 autres sont infectées par la maladie. Il ya 2 CTCs pour une population de plus de 50 mille habitants. Ces Centres de Traitement du Choléra n’ont pas de grandes capacités d’accueil ni d’équipements suffisants pour soigner normalement les malades. Des personnes infectées et pressées de trouver un traitement sont obligées d’aller à un CTC basé jusqu’à Fonds-Parisien et pour s’y rendre, elles doivent payer un taxi-moto entre 2000 et 2500 gourdes. Les localités les plus frappées par l’épidémie du choléra à Fonds-Verrettes sont : Orianie, Gros Cheval, Palmiste Tampé, Bois Nègresse, Boucan Chatte et Terre froide.
La façon dont le choléra continue de frapper la population haïtienne dans le pays, particulièrement à la frontière, constitue une grande violation de droits humains. En ce sens, nous autres, des Comités de Droits humains de la zone, nous sommes rentrés-es jusqu’à Port-au-Prince, pour tirer la sonnette d’alarme en demandant aux autorités haïtiennes de prendre leur responsabilité. Il est inconcevable de laisser mourir ainsi des gens dans les milieux ruraux, communément appelés zone reculées.
La situation du choléra à la frontière prouve clairement que les autorités haïtiennes violent les droits de la population pour l’accès aux services de base tels : Droit à l’eau potable, à la santé, à l’infrastructure routière, aux blocs sanitaires. La majorité des gens vivant à la frontière n’ont pas accès à la santé. Dans plusieurs communes, il n’ y a pas de centres de santé et quand la population en trouve un, il n’y a pas suffisamment de personnel et d’équipement pour soigner normalement les malades. Concernant l’eau potable, c’est un casse-tête. La majorité de la population utilise l’eau de la rivière soit pour le breuvage ou pour le bain. Ce qui aggrave la propagation de l’épidémie dans toute la zone frontalière.
En ce qui a trait aux voies de communication, le mauvais état des tronçons routiers a provoqué fort souvent la mort des personnes infectées restées trop longtemps en chemin avant de pouvoir atteindre le centre de traitement le plus proche. Malgré les conditions économiques précaires de des familles, elles sont obligées de s’endetter auprès de leurs amis et proches pour pouvoir payer le transport à moto de leurs malades à un cout variant de 1500 à 2500 gourdes pour leur sauver la vie.
Par ailleurs, la question de la discrimination constitue également une violation de droits humains. Certains chauffeurs d’autobus et de taxi moto refusent de transporter des malades atteints du cholera et n’acceptent leur transport qu’à des couts élevés. Des malades sont aussi humiliés dans leur quartier, des vodouisants sont stigmatisés et pointés du doigt comme propagateurs de la maladie.
Face à ces violations de droits humains résultant de l’apparition du choléra, le Réseau Frontalier Jeannot Succès demande à l’Etat haïtien d’adopter des mesures pour faire respecter les droits de la population vivant à la frontière.
Il en profite pour demander aux autorités d’exiger de la MINUSTAH responsable de l’introduction de l’épidémie du choléra en Haïti, le dédommagement de la population haïtienne, particulièrement des milliers de victimes de cette épidémie .
No Comments