
Plus de 15 000 Haïtiens/Haïtiennes reconduits à la frontière en 2011
Les autorités dominicaines ont rapatrié 15189 ressortissants-es haïtiens dont plus de 9000 au portail frontalier de Belladère dans le Plateau Central, de janvier à décembre 2011. Le nombre d’Haïtiens/Haïtiennes rapatriés à la frontière du Nord-Est (Ounaminthe-Dajabon) s’élève à 5428 personnes selon les chiffres recueillis par l’organisme Solidarite Fwontalyè basé à Ouanaminthe. Au portail de Malpasse (Ouest) 95 rapatriés-es ont été recensés par le GARR en 2011. Sur l’ensemble des points frontaliers observés- Belladère, Ouanaminthe, Malpasse- 1923 femmes et 95 enfants figurent parmi les rapatriés-es.
Les rapatriements effectués par la Migration et l’Armée dominicaines en 2011 représentent une hausse d’environ 54% par rapport à 2010 où les reconduites à la frontière observées par le GARR avaient touché 6939 personnes.
Des rapatriés-es accueillis par le GARR à la frontière de Belladère comme à Malpasse ont dénoncé les conditions de leur reconduite vers Haïti. « Je vivais depuis plus de 10 ans là-bas, les agents de la migration dominicaine ne nous ont même pas permis de récupérer nos effets avant de nous contraindre à laisser le pays. », a regretté Robenson, maçon de profession.
« Nous étions en route pour aller travailler quand des agents de la migration nous ont fait signe de nous arrêter et nous ont conduits le même jour à la frontière sans nous donner le temps d’alerter nos proches », ont déclaré Harry et Magdala au représentant du GARR à Belladère.
« Je rentrais de mon travail après 6 heures du soir quand des soldats dominicains m’ont arrêté et conduit sur-le-champ au portail de Belladère. », a confié de son côté, Carnès. « Nous sommes des laissés-pour-compte là-bas et voilà pourquoi nous sommes souvent rapatriés-es dans n’importe quelles conditions. », avait critiqué un groupe de rapatriés-es.
En fait, le Protocole d’Accord sur les mécanismes de rapatriement signé il y a plus de 12 ans par les gouvernements haïtien et dominicain interdit les rapatriements nocturnes et fait obligation à l’Etat dominicain de laisser aux rapatriés-es l’opportunité de récupérer leurs biens ; toutefois, il est régulièrement violé par le gouvernement Fernandez pourtant signataire de ce Protocole en 1999.
La violence entourant les rapatriements d’Haïtiens de la République Dominicaine avait atteint un pic, en 2011, avec les interventions des Juntas de Vecinos (associations de quartiers) dans la ville de Santiago au Nord du pays. Sous prétexte de chasse aux sans-papier et de lutte anti-choléra, des civils sous l’œil complaisant des autorités locales pénétraient dans les résidences haïtiennes pour en expulser les occupants-es de force, comme à San Jose, La Mina et ailleurs dans la ville. « Nous avons déjà identifié les maisons ou vivent des Haïtiens et nous allons les jeter dehors nous-mêmes si la migration ne fait pas son travail », avait déclaré un représentant de la Fédération des Juntas de Vecinos dans la ville de Santiago. (El Nacional, 21/1/11)
L’Évêque de Santiago, Mgr Ramon de la Rosa y Carpio avait exhorté la population à respecter les droits des immigrants haïtiens. « Nous ne pouvons accepter nous-mêmes qu’un sans-papier dominicain soit maltraité aux Etats-Unis en violation de la loi » avait-il affirmé.
Pour sa part, le Ministère des Haïtiens vivant à l’Etranger (MHAVE) avait, dans une note transmise à la presse, jugé urgente « une révision bilatérale des conditions dans lesquelles sont pratiquées les opérations qui ne correspondent en aucun cas aux mécanismes arrêtés entre les deux Etats pour les rapatriements ».(MHAVE,25/1/12)
Au moment où le Parlement vient de ratifier le Pacte international sur les Droits Economiques, Sociaux et Culturels, le GARR exhorte les décideurs haïtiens à se soucier davantage des droits économiques de ses migrants-es et rapatriés et de l’observance des engagements pris par l’Etat dominicain à travers le Protocole de 1999.
No Comments