Les grandes lignes des résultats d’une enquête sur le trafic de main d’œuvre haitienne vers la République Dominicain
Cette étude paru en 2002 sous le titre original, « Tras las huellas de los braceros » a été rendue disponible en langue française en juin 2003 sous le titre, « Sur les traces des braceros ». L’enquête a touché un nombre de 815 coupeurs de canne à sucre qui participaient à la zafra de 2001. Elle a porté sur le profil socio-économique des braceros, leurs conditions d’embauchage, de traversée de la frontière, les conditions de vie et de travail dans les bateys.Dans ce qui suit, sont présentées quelques données tirées des résultats de cette enquête.1. Jusqu’à aujourd’hui(2001), malgré un taux de chômage très important dans les bateys, chaque année on continue à faire venir de la main-d’œuvre d’Haïti pour couper la canne. Sur 815 braceros interviewés, 680 venaient d’Haïti.2. Chaque année, de plus en plus d’Haïtiens profitent des moments d’embauchage pour entrer en République Dominicaine. 35% des personnes recrutées pour la zafra ayant fait l’objet de l’étude se rendaient pour la première fois en République Dominicaine.3. Les recrutements se font sans réclamation ni délivrance de papier d’identité. Sur les 680 personnes en provenance d’Haïti, seulement 10 étaient munies d’un passeport. Seul un passeport avait un visa d’entrée qui, malheureusement, n’était plus valide.4. Contrairement à l’opinion répandue en République Dominicaine faisant croire qu’il est difficile d’octroyer des documents aux Haïtiens, parce qu’ils n’en posséderaient pas depuis chez eux, 664 des 680 des braseros provenant d’Haïti affirment détenir un document quelconque pouvant les identifier(carte d’identité, carte de leur église ou de leur groupe), etc. Cependant, ils n’ont pas pris ces documents avec eux, parce que ne jugeant pas cela nécessaire.5. Les braceros sont très jeunes. 58% d’entre eux ont entre 10 et 35 ans. Cela signifie que des mineurs intègrent aussi la zafra. De même, on a rencontré quelques vieux relativement très âgés.6. La majorité des recrutés sont des agriculteurs(80%). En grande partie, ils ne savent ni lire, ni écrire (61% de l’échantillon).7. Les recrutés viennent de partout en Haïti. Cependant, on a noté un fort pourcentage provenant du Sud-Est du pays.8. La raison fondamentale avancée pour abandonner le pays est d’ordre économique. Les gens ont besoin d’une activité qui leur permette d’acquérir un certain revenu. Ils ont perdu espoir dans leur pays où la productivité agricole baisse considérablement.9. Quelques personnes ont décidé d’abandonner le pays en se faisant embaucher pour échapper à la violence ou à la répression. D’autres voyagent pour des raisons sociales (visite de leurs familles). Certains combinent les trois raisons.10. Les gens ne pénètrent pas en République Dominicaine aussi aisément qu’on le croit. 57% l’ont été à travers des buscones (trafiquants). Le reste avec l’aide d’amis ou de membres de leur famille. Dans 75% des cas, ils arrivent tous à un point de la frontière où se font les recrutements. La quantité de gens qui arrivent sans passer par cette voie est très faible.11. Ce trafic s’opère clandestinement, dans des points retirés, non officiels de la frontière. Haïti ferme les yeux et laisse faire. La République Dominicaine se rend complice en tolérant un réseau incluant les usines, les grands planteurs et les trafiquants dominicains et haïtiens. Ces derniers vont dans les montagnes haïtiennes pour motiver les gens à partir. Les points de recrutement le plus cités pour la zone Sud sont Puerto Escondido et Nan Polo.12. Sur toute la chaîne, de fortes sommes d’argent sont payées par les candidats à l´émigration en République Dominicaine. Il s’agit là d’un commerce lucratif qui rapporte gros à des Haïtiens et des Dominicains.13. Généralement, les voyages sont réalisés la nuit, dans des conditions ne respectant pas la dignité humaine. Parfois, les candidats à l’embauchage doivent passer plusieurs nuits dans les bois, en attendant l’arrivée du camion qui viendra les chercher.14. Les habitants installés dans les bateys n’aiment pas ce mouvement qui leur ôtent la possibilité d’emplois mieux rémunérés et qui bouleverse leur existence avec l’arrivée constante de nouvelles personnes dans leur communauté.15. Les braceros de l’usine sucrière de Barahona ne sont pas satisfaits de leurs conditions de travail : bas salaires, nourriture mauvaise, logement peu décent, etc. Pour 2001, les travailleurs recevaient moins de 40 pesos pour une journée de travail, alors que le salaire minimum à ce moment pour le secteur agricole était fixé entre 80 et 100 pesos.16. Les braceros ont affirmé dans l’enquête avoir subi de mauvais traitements de la part des gardes champêtres : coups, injures graves, etc.17. La majorité d’entre eux souhaitent revenir en Haïti. Certains ont abandonné la zafra, avant même la fin de la récolte, pour s’insérer dans d’autres branches de l´économie, ou tout bonnement pour retourner chez eux. Ceux qui affirment vouloir rester avancent comme argument l’impossibilité de rembourser des dettes contractées pour payer le voyage.18. La Communication avec leur famille demeure une grande préoccupation pour les braceros qui vivent isolés.19. En guise de recommandations, ils proposent aux deux Etats de régulariser les embauches en ne tolérant pas l’action des trafiquants qui mettent en danger la vie des gens. Ils réclament également une amélioration dans les conditions de travail, notamment dans les salaires et le logement. « Sur les traces des braceros » est disponible au local du GARR (13, 1ère ruelle rivière, Port-au-Prince, Haïti) et dans les grandes librairies de Port-au-Prince.
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