Voeux des bateys
PAR PEDRO RUQUOY Je vous annonce une grande joie, une joie pour le peuple tout entier: Il est né un Sauveur qui est le Christ. Aujourd’hui est né le fils de Dieu; il est né dans l’endroit le plus méprisé et le plus marginalisé du monde; il est né dans un batey. Et la communauté lui a préparé un joli berceau, un berceau à 4 pieds.Le premier pied s’appelle ESPOIR. L’espoir qui brillait dans les yeux des habitants du batey » Los Robles » en ce dimanche 24 novembre 2002 quand ils se réunirent à la lisière des terres reprises à l’usine sucrière de Barahona pour fêter ce triomphe avec la bénédiction de la première mise en terre de plants de bananiers et par le baptême d’une soixantaine de fils et filles du peuple. L’espoir de centaines d’enfants et de jeunes, descendants de ressortissants haïtiens qui, soudain, entrevoient la possibilité d’accès à un document légal qui leur permette de jouir de tous les droits comme n’importe quel enfant de cette terre quisquéyenne. L’espoir de Demetrio, Silverio, Eduardo et des douzaines d’autres jeunes du Batey 5 qui anoncèrent partout, qu’ils avaient réussi et qu’enfin, le camion de la Mairie était disposé à ramasser les ordures du batey, une fois par semaine.Le deuxième pied du berceau divin a pour non LA FOI : la foi de Tina, une haïtienne qui, chaque dimanche, demande au Seigneur des pauvres : de recueillir sous son manteau, le monde entier ; la foi de Juanito, le vendeur de charbon qui descend de son âne en passant devant la tonnelle où se dit la messe, et qui se met à danser au rythme du tambour tandis que la Communauté chante le » Magnificat »; la foi de Dieudonné, le vieux messager qui passa plusieurs jours à faire des tournées dans les bateys pour receuillir de l’argent pour les missions.Le troisième pied de cet humble berceau est la SOLIDARITE ou l’AMOUR: la solidarité de la communauté du batey 9 qui, en pleine nuit, réunit les fonds nécessaires pour emmener à l’hôpital de Barahona, un coupeur de canne avec une mauvaise blessure; l’amour de Cristóbal, un jeune haïtien de 17 ans qui assumait tout seul la charge de son jeune frère de 9 ans parce que leur père les avait abandonnés et leur mère était décédée; l’amour de Cherry qui a cheminé à pied, durant plusieurs jours, dans les montagnes pour retrouver sa fiancée Dona en dépit du fait qu’elle l’avait trompé.Le quatrième pied ressemble au roseau : il plie mais ne rompt pas; il s’appelle RESISTANCE : la résistance de la communauté du batey Santana qui, à la fin du mois de novembre, fut sauvagement réprimée par la police qui était à la recherche d’une bande de délinquants; la résistance de Laurent, un vieillard de 110 ans qui, malgré les coups, les insultes et les humiliations de toutes sortes, a pu garder sa dignité et son orgueil d’être haïtien; la résistance de milliers de Dominicains d’ascendance haïtienne qui, en dépit de la constante marginalisation continuent de revendiquer leur droit à la nationalité dominicaine et vibrent ensemble pour une nation plus juste et fraternelle.Ce berceau de 4 pieds est de chair et d’os; il est formé par la communauté des bateys: frappée mais pleine de vie, humiliée mais chaque fois plus noble; réprimée mais non desespérée. Et, les mains ouvertes, ce berceau humain attend que le Père, avec beaucoup de délicatesse et de tendresse y dépose son fils nouveau-né. Il n’y a aucun doute que cet enfant-Dieu ressemble à tous les enfants d’ici: noir comme le charbon qui est l’unique source de vie de beaucoup de femmes du batey; avec les yeux lumineux comme les étoiles qui dansent dans les nuits obscures du sud-ouest et avec un cœur généreux et doux comme la canne verte de l’usine. Dieu révèle son amour infini à travers la faiblesse humaine, à travers les oubliés de ce monde, à travers les méprisés et marginalisés.Quand ce berceau de batey recevra son trésor divin, il l’offrira au monde entier car il aura une nouvelle opportunité de se transformer au sein de la grande famille divine, libérée de toutes ses chaînes et réunie autour du même plat, partageant la même soupe et dansant une éternelle bachata sans frontière sous l’immense palmier de l’humanité.Ils viennent en courant au batey; dans les chaumières délabrées et dans les baraques, ils découvriront le tendre fils de Dieu et personne ne pourra leur dérober leur joie. » Aujourd’hui, dans les bateys du Sud-Ouest, est né un Sauveur qui est le Christ »; et ceci leur servira de signal: ils rencontreront un petit enfant noir couché dans un berceau humain avec l’espérance, la foi, l’amour et la résistance de l’un des peuples les plus meurtris de cette terre ….Feliz Navidad desde los Bateyes del Suroeste! (Traduit de l’espagnol par le GARR)
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