Des sans-abri du camp de Pétion-Ville Club invités à partir : vers une nouvelle vie ou les mêmes attentes ?
Les arbres à l’entrée rafraichissent l’accueil au seuil du Pétion-Ville Club, et à 7 heures du matin, ce samedi 10 avril, le soleil d’Haïti laisse passer ses premiers beaux rayons qui dorent le paysage. Une vingtaine de mètres plus loin, à proximité d’un arbre, 2 militaires américains, assis sur des chaises pliantes, conversent l’air serein et laissent planer le regard…en bas, sur un océan de tentes ou logent les déplacés-es du séisme du 12 janvier 2010. Ils/elles sont plus de 60 000 à attendre…un départ pour un meilleur quotidien.
Très tôt, ce 10 avril, une centaine d’entre eux étaient déjà debout, hommes, femmes et enfants faisant la queue pour s’inscrire comme volontaires pour le départ vers un lieu encore inconnu appelé Corail Cesselesse dans la banlieue Nord de la capitale.Le camp du Pétion-Ville Club est réparti en secteurs identifiés par ordre alphabétique et un ensemble de kiosques d’information numérotés ont été installés à l’intention de ceux et celles qui manifestent le désir d’être relogés à Corail. Il a plu la veille et le sol est humide voire boueux dans les couloirs menant au secteur A du camp. «C’est l’un des secteurs les plus exposés aux inondations», explique un responsable de kiosque à une représentante du GARR. Le gouvernement envisage de relocaliser 25000 occupants de ce camp en raison des risques liés à la saison pluvieuse selon un document disponible au kiosque. Il est 10 heures quand un membre de l’équipe de coordination muni d’un porte-voix annonce que tous ceux et celles qui ne disposent pas de leur carte d’identité nationale peuvent laisser la file d’attente car ils ne pourront pas s’inscrire. Questionnée à quelques mètres de là sur cette exigence faite aux sinistrés du séisme, une représentante de Catholic Relief Service a affirmé n’être pas au courant d’une telle exigence. Pour cette première opération de déplacement vers Corail, il était prévu de transporter 800 personnes selon les informations communiquées par le Cluster Protection, le 6 avril 2010. Cependant, ce chiffre a été revu à la baisse. «Aujourd’hui, nous avons 95 personnes qui partent, soit 23 familles» informe la coordonnatrice du camp, ce 10 avril.Plusieurs occupants interrogés considèrent avec inquiétude l’idée d’un relogement au Camp Corail. « Je suis à un âge avancé et je n’aimerais pas vivre trop loin de Delmas. Je n’aimerais pas aller à Corail. Ma maison n’est pas détruite, elle a simplement besoin d’être réparée mais je n’ai pas les moyens» se plaint un septuagénaire qui se résignera un peu plus tard à prendre la file d’attente.Une jeune femme employée dans une manufacture dit ignorer si le transport lui sera facilité, une fois installée à Corail. « «Comment assurer tous les jours, le trajet Corail-Delmas ? s’interroge t-elle ?» Même préoccupation chez une mère de famille. «Ma fille est en classe a Delmas, et le trajet est de 50 gourdes pour aller a Corail, les frais de transport seront trop élevés pour moi et puis est-ce qu’il y a des établissements scolaires déjà prêts à Corail ? Je ne sais pas ».D’autres occupants s’inquiètent au sujet des possibilités d’emploi. «Nous serons loin du centre-ville de Port-au-Prince ou tant bien que mal, on peut trouver des petits boulots, mais là-bas, qu’est ce qui nous attend ? Rien. » se désole à l’avance un père de famille.«Le gouvernement entend assurer des rations alimentaires pendant un mois environ et après, qu’adviendra t-il de nous ? Nous envoyer à Corail, n’est-ce pas une façon de nous abandonner à notre sort, de nous exiler ?» s’interroge un groupe de jeunes filles rencontrées sur place. «Il y a tellement d’ONGs internationales qui gèrent ce camp que j’en oublie les noms et les représentants de l’Etat sont absents». dit l’une d’entre elles. «Il y a certes un pasteur qui déclare nous représenter mais je ne trouve pas qu’il nous accompagne vraiment, c’est plutôt l’interprète de l’étranger», critique une autre occupante du Camp de Pétion-Ville Club.Le groupe en profite pour partager d’autres remarques. «Les seuls services qui marchent vraiment au camp, ce sont les soins de santé», déclare Candy, informaticienne. A part cel , «la communication avec les occupants, la nourriture, la sécurité, l’usage des toilettes et douches pour femmes, il y a beaucoup à redire» poursuit-elle. Selon une autre jeune fille, Darlène, «Des femmes ont été violées dans ce camp». Opinant sur la visite du président René Préval, ce 10 avril, à la mi-journée, la jeune Candy s’est exprimée en ces termes : «Nous sommes ici depuis 3 mois, depuis le 12 janvier, nous sommes environ 60 000 personnes et c’est aujourd’hui seulement que le président Préval daigne nous visiter. Quand on me demande qui doit gérer ce pays, qui est responsable, moi je réponds que c’est les jeunes, c’est pas le gouvernement, car il est absent».La plupart des déplacés/es admettent que leur séjour au Pétion-Ville Club ne saurait être indéfini vu qu’il s’agit d’une propriété privée, mais ils nourrissent l’espoir que les autorités établiront avec eux une communication permanente en vue de les accompagner dans leurs attentes et leurs besoins réels.
No Comments