Des déplacés-es haïtiens du séisme piégés entre le silence des autorités centrales et les menaces et brutalités des agents des collectivités
Conférences de presse, témoignages, marche assortie d’une lettre ouverte au Parlement, rendent compte de la persistance et l’extension des menaces et violences qui marquent la vie de la population refugiée dans les camps d’hébergement de la capitale, depuis plus d’un mois, en particulier dans la collectivité de Delmas. Alors que les autorités centrales se confortent dans un silence quasi complice face aux violations de droits humains répétées subies par les victimes du séisme du 12 janvier, plusieurs voix se sont élevées en Haïti et à l’étranger pour réclamer de l’Etat haïtien un traitement plus digne en faveur des déplacés-es.Au cours d’une rencontre avec la Presse, le 27 juin 2011, un Comité de déplacés a dénoncé les propos menaçants et les violences exercées par des agents de la Collectivité de Delmas, banlieue Nord de la Capitale : Le 25 juin 2011, il est à peine 10 heures du matin quand 4 agents municipaux se présentent au Camp de Delmas 17 pour réaliser, disent-ils, un recensement. Ils laissent entendre que le déguerpissement est proche. Ils frappent à la porte d’un abri. Une jeune femme de 25 ans, apparait sur le seuil. Elle est enceinte de 4 mois. Elle propose à l’agent municipal de consulter le comité du camp sur le recensement qu’il compte faire. L’homme se fâche et lui balance la porte dans le ventre. Elle tombe mais l’agent s’en va tranquillement. Prise de douleurs, R. sera conduite d’abord à l’Hôpital de l’Université d’Etat d’Haïti, puis à la Maternité Isaie Jeanty et au centre hospitalier Médecins Sans Frontières de Delmas 33. Il lui a été fortement recommandé de garder le lit. « L’équipe de Wilson Jeudy ne respecte pas nos droits; ils devraient entamer des consultations avec nous pour trouver des solutions alternatives, au lieu de cela, ils préfèrent nous menacer et nous brutaliser. », a dénoncé le Responsable du Comité du Camp où vivent 250 familles.Signalons que le 8 juin écoulé, des déplacés-es victimes d’expulsions opérées par la Mairie à Delmas 3, avaient au cours d’une conférence de presse, réclamé leur relocalisation d’autant plus urgente, à l’approche de la saison cyclonique. « Nous sommes des humains, nous ne devons pas être traités comme des animaux ; nous avons droit à un logement décent », avait soutenu l’une des victimes d’expulsions forcées opérées par la Municipalité, les 23 et 25 mai 2011. Il convient de rappeler que la première opération de déguerpissement, celle du 23 mai, a été menée par la Mairie à l’aube, surprenant les déplacés-es encore endormis pour la plupart. Ces derniers devaient assister impuissants à l’action des bulldozers réduisant à néant leurs tentes et détruisant leurs rares biens et marchandises.Au cours d’une marche réalisée le 10 juin à l’initiative de FRAKKA (Fòs Refleksyon ak Aksyon sou Koze Kay) et achevée devant le siège du Parlement, une lettre ouverte avait été transmise au Parlement autour de ces expulsions en série. Les représentants des camps de déplacés avaient appelé les parlementaires à adopter une résolution mettant un terme aux expulsions forcées et à prévoir dans le prochain budget de la République la dotation de moyens visant à aborder le problème du relogement des victimes du séisme. Mis à part les positions publiques du sénateur du Nord, Moïse Jean-Charles présent à une conférence des victimes de Delmas 3, pour exprimer, avait-il dit, son support, les déplacés-es attendent encore une position officielle du Parlement haïtien sur ces pratiques d’expulsions violentes contraires aux principes directeurs établis par l’Organisation des Nations Unies dont Haïti est membre.L’Exécutif haïtien, pour sa part, a émis des déclarations sur le dossier sans pour autant se prononcer ouvertement contre les violations des droits humains des déplacés produites à travers ces expulsions violentes. Entre temps, des organisations haïtiennes dont le GARR, le FRAKKA et la POHDH, ainsi qu’une quinzaine d’organisations étrangères ont déjà exprimé leurs préoccupations à ce sujet. Ces dernières ont, dans une correspondance adressée au Congrès américain, le 10 juin 2011, condamné ces expulsions qui, selon elles, « traduisent un mépris des droits humains de base et de la dignité des familles victimes du séisme dévastateur de 2010 et sont une violation flagrante des principes directeurs internationalement reconnus sur le traitement et la protection des déplacés-es internes ». On retrouve parmi ces organisations: Action Aid USA, American Jewish World Service, Center for Constitutional Rights, Diaspora Community Services, Foundry United Methodist Church, Gender Action, Grassroots International, Haiti Support Group, Institute for Justice and Democracy in Haiti, Jesuit Refugee Service / USA, Oxfam America, Trans Africa Forum, Unitarian Universalist Service Committee, United Methodist Church, General Board of Church and Society, United Methodist Committee on Relief, University of Miami Human Rights Clinic.
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