
La Mairie de Port-au-Prince a initié le processus d’expulsion
Le vendredi 15 juillet 2011, la Mairie de Port-au-Prince a mis à exécution sa décision annoncée d’expulser du stade Sylvio Cator, les déplacés qui s’étaient réfugiés dans cet espace depuis le tremblement de terre du 12 janvier 2010. Très tôt dans la matinée, la présence de patrouilles de la police aux abords des tentes du stade laissait croire que l’opération allait bien avoir lieu. Un peu plus tard dans la journée, des agents de la Mairie ont appelé une à une des familles qui avaient apparemment été sélectionnées au préalable, leur a remis un chèque de 10,000 gourdes avant de les faire sortir de l’espace. Leurs tentes vont être par la suite démontées.
Le Maire Muscadin Jean Yves Jason qui veut projeter l’image qu’il n’utilise pas la violence pour déguerpir les déplacés a permis à la presse de couvrir l’événement arguant que tout se passe en consultation avec les déplacés. Peu de jours auparavant, il avait eu plusieurs rencontres avec ces derniers.
Questionné sur le lieu de relocalisation des familles déplacées du stade Sylvio Cator, le responsable de Communication et d’Informations du Bureau communal de Protection Civile, M. Michel Antoine a déclaré « La Mairie donne un accompagnement de 10.000 gourdes à ceux et celles qui ont leur maison ou un endroit pour s’abriter. Le reste, ceux et celles qui n’ont aucun endroit où se réfugier, attend qu’un terrain soit aménagé au Bicentenaire près de l’EDH pour que la Mairie puisse les relocaliser finalement ».
Deux jours après le démarrage de l’opération plus de 250 familles n’ont pas encore laissé le stade. Leurs tentes portent une croix ou un point d’interrogation en rouge. Selon la Mairie, il s’agit de personnes qui n’ont aucun endroit pour aller ou dont les noms ne figurent pas sur la liste de recensement qui avait été préparée. « La Mairie est en pourparlers avec des organisations internationales pour l’aider à aménager le lieu où seront relogés ces gens », avait répété le Maire Jason, en réponse à des questions des journalistes.
Cependant, alors que les opérations d’évictions ont déjà commencé et qu’un délai semble avoir été fixé pour les terminer, rien n’est clair en ce qui concerne le lieu de relocalisation. Dans un premier temps, la mairie parlait d’un terrain situé au Bicentenaire, ensuite il s’est ravisé et a plutôt mentionné un ancien hôtel où se trouve déjà un camp. Les vérifications du GARR ont montré que les occupants de l’ancien hôtel n’étaient pas informés de la venue d’autres déplacés dans leur espace. En ce qui concerne le terrain du Bicentenaire, une visite des lieux le samedi 16 juillet 2011 a permis de constater qu’il s’agit d’un terrain marécageux dans une zone souvent inondée en période de pluie. Des immondices jonchaient l’espace que les résidents des alentours considèrent comme un lieu de haute insécurité. Au cours de la journée du lundi 18 juillet 2011, plusieurs tracteurs remblayaient le site en question et les immondices dans le canal à proximité étaient enlevés au fur et à mesure.
A rappeler que selon le Commentaire général Numéro 7 concernant le Droit au logement, tel que stipulé dans le Pacte International relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels (PIDESC), l’éviction forcée est une violation fondamentale des droits humains. Même quand la violence directe n’est pas exercée contre des groupes vulnérables pour les forcer à se déplacer, si le lieu de relocalisation n’est pas adéquat, ne respecte pas les normes et met en danger la vie des personnes concernées, une telle opération est considérée par la législation internationale comme une éviction forcée, donc une violation flagrante des principes fondamentaux de droits humains. « Les évictions ne doivent pas avoir pour résultat d’enlever un toit aux personnes ou de les rendre vulnérables à la violation d’autres droits humains », recommande le Commentaire No. 7.
A noter que cette opération de retirer les déplacés du tremblement de terre réfugiés au stade Sylvio Cator est menée, selon la Mairie de Port-au-Prince, dans le but de libérer le seul stade dont Haïti dispose et le préparer en vue de recevoir des matches internationaux de football à partir du 4 août 2011. Le Stade Sylvio Cator figure sur la liste rouge de six camps sélectionnés par l’équipe du président Martelly qui doivent être vidés en premier.
No Comments